ACCUEIL

Dans la salle d’attente
 
Dans la salle d’attente
Vers on ne sait quoi,
Un jeune poète,
Tout en fignolant son ailleurs
Observait un couple étrange
 
L’HOMME
Qu’as-tu ma poupée ?
Mes caresses ne te suffisent pas
 
Je te nimbe d’or et de diamants
Si tu acquiesces à mon amour
 
LA FEMME
Toi qui as le pouvoir sur moi
Excuse mes faiblesses
Mais mon corps est prématurément usé
 
Qu’avez-vous, monsieur
A nous observer
Avec ce regard étrange et pénétrant
Je ne suis qu’une femme fragile et cajolée
Soumise aux tourments du Temps
Et qui passe sa vie
Entre les secrétariats et les alcôves
 
LE POÈTE
Madame
Moi qui suis poète à mes heures
Moi qui visionne l’ailleurs
Vous me semblez être une étoile perdue
Qui navigue entre le chaos
Des caprices des souffrances de la vie
 
L’HOMME
Monsieur, moi qui ai le pouvoir sur cent mille ouvriers
Moi qui rêve d’acheter le paradis
J’achète votre poésie
Et vous couvre d’or
Jusqu’à votre mort
 
LE POÈTE
Monsieur
Mon pays ne se vend pas
Il se décrit simplement comme une envie
Celle de flâner librement tel le vent
Quand perdu dans les miasmes
De nos chaînes altérées
Il préfigure l’avenir
Comme ce bonheur insoumis
 
LA FEMME
Votre contrée est un rêve inaccessible
Où j’offre mes sentiments les plus délicats
A un prince de la vie
Qui m’emporterait loin de cette infamie
Afin que je vive heureuse et ébahie
 
L’HOMME
Je vous offre ma fortune
Afin que je profite de votre pays
Laissez-moi vos rêveries
Je vous laisse ma poupée
 
LE POÈTE
Pour moi, cette femme est libre
Comme un poème incontrôlé
Sachez que mon continent
Abjure le profit
 
L’HOMME
Restez dans votre utopie
Mais laissez tourner le monde
Qui vaque au commerce de l’argent
Je vous aurai à l’usure
Quand votre âme affamée
Ressemblera
A un squelette estropié
 
LA FEMME
Laissez le
Son monde est beau
J’y vois un espoir lumineux
Pour toi, poète
Je poserai nue
 
LE POÈTE
Vous qui êtes l’étoile égarée du futur
Je vous accrocherai à mes songes
Et vous deviendrez
Une beauté sidérale
Taquinant l’azur le plus pur
 
L’HOMME
Arrêtez de divaguer ou j’appelle la police
 
LE POÈTE
Appelez qui vous voulez
Votre règne n’est qu’un leurre de bonheur
 
L’HOMME
Tu viens ma chérie, ma poupée
Je te parerai d’or et de lumière
Si tu consens à oublier cet individu tordu
 
LA FEMME
Laisse-moi à la fin
 
Je désire uniquement être nue
Sur ce continent
Qu’il chante
En poète si charmant
 
Dans la salle d’attente
Vers on ne sait quoi
Les flics débarquent
Et embarquent le jeune poète
Promis à ne plus fréquenter
Le monde de l’argent et des repus
 
Quant à la femme
Elle pose nue
 
Bruno MORELLO - février 2004