L’HESITANT
 
Il dit “ oui ”
vite il dit “ non ”
il redit : “ oui, sûrement ”
il dit “ je sais pas ”,
il dit “ peut-être... ”
Seul chez lui, il analyse
et ré analyse,
il dissèque
chaque parcelle d’argument,
de critère, de point de vue,
d’avantage, d’inconvénient
et dans sa cervelle ça fuse,
ça s’élance, ça tourne et ça tourne.
La pièce de monnaie roule longuement sur le carrelage
elle ondule en longues sinusoïdes mais ne s’arrête pas,
parfois elle titube un court instant sur sa tranche,
puis elle virevolte à nouveau, semble se calmer,
elle va se coucher là, s’immobiliser,
laissant enfin entrevoir un aspect de la question :
pile ou bien face,
mais pas les deux
ni un petit peu pile et un petit peu face.
Et bien non, elle repart en spirales hélicoïdales infernales,
les bribes de vérité s’entrechoquent de nouveau :
la médaille et son revers tout se mélange.
 
“ Assez !  Quel désordre ! Rangez-vous ! 
le pour à gauche, le contre à droite
le blanc d’un côté, le noir de l’autre, le gris connaît pas ! ”
Personne n’obéit : c’est le chaos absolu : 
dans ce combat épuisant tous les coups sont permis :
des tractations entre parties adverses se trament :
donne-moi un argument pour,
je t’ envoie un contre !
Mais dans la méfiance générale, les compromis ne durent pas,
les doutes sapent sans cesse le fragile édifice mental,
c’est le tumulte, la dérive, rien à quoi se retenir, la panique :
 
et si je me trompais ?
et si je faisais un mauvais choix ?
et si ...
et si ...
 
Et si je vivais un peu ?
Si je contemplais cette valse interne d’un œil tranquille, distant,
comme on s’amuse d’un spectacle un peu enfantin, si souvent vu et vite oublié ?
Si j’acceptais que la Vie ne dépend pas que de moi
et de ce que mon cerveau établit en listes soi-disant rationnelles
Si je m’oubliais un peu et laissais mon ordinateur central en veille, pilotage automatique et basta !
Si je prenais le risque de prendre des risques ?
Quitte à me casser la gueule en beauté, vous avez dit beauté ?
 
Mais oui :
le hasard,
l’impromptu
l’inattendu,
le cadeau,
l’autre et ses surprises,
la plage douce,
la caresse du soleil,
ta main sur ma peau
et le silence à bord
oh oui, le silence
Chut !
 
 
Dominik 4 /3 /03
 
 
 

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