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Le rêve
 
Ce matin, en me levant,
je me suis cogné la tête
contre une des poutres... de mes rêves
 
De rage, j’y ai mis le feu.
Je me consume
de l’intérieur.
 
Je regrette.
Trop tard.
De l’eau, vite de l’eau,
Je pleure mais
trop tard.
 
Maintenant, il ne me reste que du temps.
Je n’ai plus de rêves,
je n’ai que du temps.
Mais alors, qu’en faire ?
 
Je me baisse,
à genoux je ramasse
les cendres de mes rêves.
 
Mais qu’en faire ?
 
Je les éparpille, je les rassemble, je fais des petits tas, j’étale, je m’fais un rail. Je souffle sur ce qu’il reste. Je disperse.
 
Avec le doigt, je trace sur ce tapis de cendres des routes.
J’en choisis une au hasard. J’efface les autres.
 
Je m’y engage.
 
Il fait froid, il fait triste. Le chemin est étroit et mes doigts ont du trembler.
Terne le silence.
 
J’avance.
Tiens, te voilà toi ? Je t’avais oublié.
Repose en paix.
 
J’avance
et ça brille, de partout et ça coupe !
Dix mille serpents s’agitent au milieu d’éclats de verre,
comme autant de miroirs brisés qui reflètent mon âme brûlée.
Je me regarde
terrifié, je me vois rire.
 
J’accélère.
Stop. Quel cri strident : est-ce le silence qui hurle sa présence ?
Non ! Sirènes, restez où vous êtes, je suis déjà échoué, ne venez pas vous perdre, partez, fuyez plutôt celui qui vous retenait prisonnières. Je n’ai que trop chanté à travers vos voix ; ne vous joignez pas aux démons qui hurlent. Leurs ongles se rapprochent, m’effleurent. L’un d’entre eux me fait avaler une boule bleu nuit qui dans ma poitrine grossit et libère l’angoisse que j’ai toujours fui.
 
Je n’avance plus, assaillis de toutes parts, les murs, le vide se côtoient de plus en plus.
Les échos des battements de mon coeur me reviennent amplifiés, je n’ai plus rien en moi, juste un grand vide que des sons comblent de leurs sombres couleurs.
 
Et puis plus rien. Je résonne.
J’abandonne.
 
Tout s’assombrit, je vais bientôt y perdre la vue, me noyer dans l’obscurité de mon coeur.
Je suffoque.
Je m’étale, pâle,
et soudain tout devient si blanc,
métallique et brillant ;
je suis aveuglé,
tout à coup illuminé.
 
Mais oui, je suis arrivé au bout.
Au bout du cauchemar.
Je suis arrivé au bout du cauchemar aux poutres si basses.
 
Demain, si je me réveille, je bâtirai un rêve en couleur et en musique,
Je bâtirai un rêve dans lequel plus jamais je ne serai seul,
Un rêve sans murs, sans poutres et... sans réveil !
 
Grégoire LORTHOIS - mars 2004