| - Bohême sublunaire
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- Je vais rester allongé ici, sous le tilleul à regarder la lune argentée.
- La musique du monde me parvient, on donne un bal, une fête non loin d’ici, j’entends le monde vivre, je sens le monde tourner et je suis seul, allongé,
sous le tilleul, à regarder la lune argentée. - Si elle tombait ?
- Si elle tombe, je la ramasserai. Je la ramasserai et la garderai pour moi la lune, rien que pour moi.
Je la cacherai grossièrement sous mon - manteau étriqué, élimé et m'enfuirai comme un voleur, discrètement à l’abri des regards, par les champs et les fossés, comme d’habitude d’ailleurs, sauf que là ce sera la lune que j’aurai sous mon vêtement.
- Si elle tombe, je la rattraperai... mais elle ne tombera pas ce soir la lune, elle ne tombera pas cette nuit, ni demain, ni jamais d’ailleurs.
- Ils l’ont sacrément bien accrochée ces savants avec leurs théories,
- leurs calculs, ils l’ont sacrément bien accrochée avec toute leur science.
- Elle ne risque pas de tomber la lune.
D’ailleurs, si elle n’est jamais - tombée, c’est que personne n’y a jamais cru.
- Moi, j’y crois ! Mais je suis seul contre tous.
- Juste pour moi elle ne tombera pas.
C’est qu’elle est encore trop bien accrochée la lune. - Je vais rester ici allongé, jusqu’à ce que le froid me transperce.
- Alors, alors seulement je m’en irai à travers les champs, les fossés,
- dissimulant sous mon vieux manteau un bout de pain mendié ou volé.
- Je partirai, sans elle, sans ailes... le coeur lourd, l’âme en peine, les rêves déchirés.
- Mais un jour, demain, je lui dirai à la lune que j’en ai marre, marre d’attendre, marre d’y croire et je reviendrai pour lui crier ma vie, ma jeunesse...
mon désespoir quoi ! Mais là, comme d’habitude, comme ce soir, je la regarderai puis je m’allongerai sous le tilleul et je l’écouterai... - tomber
- Si elle tombait.
- si elle tombe, je la ramasserai. Je la ramasserai
et je la garderai pour moi la lune, rien que pour moi. -
- Grégoire Lorthois - juin 2004
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