| - Le Lundi avant la Treille
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- Peur, trac, angoisse, timidité :
- J’entends déjà ma voix trembler.
- Ecrire me semblait facile,
- Et lire encore moins difficile...
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- Mais vous dévoiler au grand jour ce qui trotte dans ma tête, c’est déjà autre chose !
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- Déjà en écrivant, j’imagine :
- Des dizaines de paires d’yeux braqués sur moi.
- Le silence suspendu à mes lèvres,
- Ma voix brisant ce silence,
- Mon discours censé retenir votre attention
- (Ce silence n’était pourtant pas si mal !)
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- Il faut que je trouve quelque chose d’intéressant à vous dire.
- Il faut que je trouve quelque chose d’intéressant à vous lire.
- Aujourd’hui je me suis lancée,
- Et tout ce que j’ai pu imaginer est bien là ce soir :
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- Quelques regards me soutiennent, m’encouragent
- D’autres se concentrent mais regardent ailleurs.
- Quelques pensées me suivent, s’intéressent
- D’autres se sont déjà envolées, haut et loin.
- Quelques murmures furtifs au fond de la salle,
- Quelques tintement de verres me rassurent :
- Ouf, tout le monde ne m’écoute pas !
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- J’ai voulu ce soir vous lire mon premier texte,
- Un premier écrit : je me dévoile à vous pour la première fois
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- Et voilà, c’est fait : je vous ai lu mon premier texte.
- Ce premier écrit vient d’ici,
- Ce premier texte timide vous concerne :
- Il vous devine, il vous décrit
- Mais au fond, pour un premier essai timide, je crois qu’il en dis déjà beaucoup sur moi !
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- La fille au sourire et au bel imperméable
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- Ce soir il est minuit
- Et je sors du cinéma.
- L’automne est là depuis deux jours,
- Et depuis hier, il fait froid.
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- Dans mon bel imperméable vert,
- Je sors du cinéma.
- Malgré mon sourire et mon bel imperméable,
- J’ai un peu froid
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- Je baille, j’ai froid, je sors du cinéma, je pense à tout ça.
- Je croise un jeune homme.
- Sans me plaire, il ne me déplaît pas.
- Grâce à mon sourire et mon bel imperméable, il s’adresse à moi.
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- «Vous vivez ici ?»
- Je souris : je vais pouvoir le renseigner
- Avec mon bel imperméable
- Je vais pouvoir l’aider et lui sourire.
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- «Oui !» Je souris dans mon bel imperméable.
- «Vous vivez ici, et moi je cherche une couverture»
- «Une couverture ?» Je souris : quelle drôle de question !
- «Je cherche une couverture car je dors dehors»
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- «Désolée, je n’en ai pas sur moi» Quelle drôle de réponse !
- «Et j’habite loin d’ici, vraiment désolée !» C’est vrai j’habite loin.
- Et je souris dans mon bel imperméable,
- Mon bel imperméable vert et mon sourire de l’espoir.
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- «C’est pas grave, merci, bonne soirée.»
- Il sourit. Il ne me maudira pas longtemps.
- Ce n’est pas la première fois,
- Ce n’est pas le premier sourire dans un bel imperméable.
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- Je rentre chez moi,
- Sans mon sourire dans mon bel imperméable.
- Peut-être qu’il s’en souviendra
- Mais personne d’autre ne le saura.
- Je rentre chez moi loin d’ici,
- Dans mon bel imperméable où j’ai un peu froid.
- Je rentre chez moi loin d’ici,
- Personne d’autre ne le saura…
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- Loin de là, j’arrive enfin chez moi.
- J’ai perdu mon sourire
- Et je retire mon bel imperméable.
- Je n’avais jamais remarqué que j’avais autant de couvertures.
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- Vingt minutes se sont passées et je suis enfin chez moi,
- Sans mon sourire et sans mon bel imperméable,
- Avec toutes mes couvertures...
- Il ne doit déjà plus penser à moi.
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- Oublié le sourire, oublié le bel imperméable.
- Il ne pensera plus à moi,
- Et personne d’autre ne le saura...
- Mais moi, que dois-je penser de moi ?
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- Anne Duteurtre
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